Fé M Fé

Publié le par MissDupont & Martin

Félixe remet le bébé pigeon qu'elle vient de trouver dans sa sacoche. Elle m'embrasse d'un côté, s'arrête, me fixe - ses joues sont toutes rouges d'excitation -, elle m'embrasse tout doucement de l'autre côté, puis repart sur son vélo à toute vitesse.

- Je vais le sauver, Fé, tu vas voir, il va devenir grand, il va aller à l'université!

Je la regarde partir. Je pose la plume sur mon  nez. En temps normal, je crois pas que je pourrais tomber en amour avec une fille. Mais une fille qui sauve un pigeon et qui l'appelle Clint, je pense que je vais faire une exception.

L'avis de MissDupont : 

La première fois que mes yeux se sont posés sur la sublime couverture* de ce roman, je savais que l'inévitable se produirait : j'allais tôt ou tard me le procurer afin d'en découvrir son contenu. Ce fut donc chose fait lors du tout dernier #12aout.

Ce livre, paru en 2015, a été lauréat/finaliste pour plusieurs prix bien connu dans le monde littéraire et au fur et à mesure qu'on le découvre, on comprend pourquoi. Ce livre est tout simplement fabuleux.

À travers plusieurs sujets qui me tiennent à cœur tel que l'amour, la dépression et l'homosexualité, nous apprenons à connaître Fé (lire «tombons totalement sous le charme»), une ado complètement atypique et si fascinante à la fois. Oh elle ressemble à bon nombre de jeunes de son époque si on pense au fait qu'elle est mélangée en amour et que ledit amour peut l'amener à faire bien des conneries (genre espionner sa blonde avec une échelle, un sceau de plastique mauve, une caméra et un casque de vélo ...vous avez du mal à saisir le lien de tout ces éléments réunis? Et pourtant... 😏), singulière de par ses couleurs, son caractère et ses goûts.

Bien évidemment, il n'est pas question que de Fé tombe sous le charme d'une belle coiffeuse ou qui est mélangée à savoir si elle ne serait pas plutôt amoureuse de son meilleur ami. On y trouve aussi ce sentiment de perte que l'on peut ressentir en différentes circonstances, ou alors du don de soi, voir même ce lien fort qui vient unir les membres d'une même famille.

Sincèrement, Fé M Fé est un roman jeunesse exceptionnel que jeunes et moins jeunes prendront plaisir à découvrir et ne pourront qu'en ressortir avec ce sentiment d'avoir grandit.

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L'avis de Martin : 

Je ne sais comment commencer cette chronique. Pourtant, je viens à peine de déposer le livre que mes doigts font la danse de Saint-Guy sur le clavier. Faire la chronique de ce livre, c’est comme décrire une chorégraphie qui ne pourrait plus jamais être reproduite : peu importe les mots que je choisirai, je serai toujours à court pour vous décrire sa beauté. Cette lecture est venue chercher quelque chose de très précieux en moi. Vous savez, ce petit sentiment magique qui survient lors de nos premières fois? Oui, c’est ça… vous avez compris. Essayez de le décrire et il disparaît aussitôt.

Ce livre ne pouvait être plus à propos pour ma première fois (d’habitude, je fais des chroniques sur les livres de croissance personnelle et de spiritualité, mais là, j’ai accepté ce défi lancé par MissDupont, soit de vous donner un point de vue masculin sur ce livre), car j’ai tout apprécié de cette œuvre qui m’a traversé d’un bord à l’autre. C’est ce sentiment particulier et indéfinissable que j’ai ressenti tout au long de cette lecture qui m’a tenu accroché : j’ai eu l’impression que ce n’est pas moi qui lisais le livre, mais le livre qui me lisait. Et je me suis amusé à essayer de comprendre comment Amélie Dumoulin s’y est prise pour éveiller en nous ce sentiment si unique.

Tout d’abord, la simplicité de ces personnages qui nous jouent dans la tête et qui savent à tour de rôle faire résonner une partie d’eux en nous. Que ce soit par une réplique innocente, un repère du passé glissé en coin de page ou un détail auquel on apporte une attention inattendue, l’auteure évoque en nous les souvenirs émotionnels liés à cette période de remise en question qu’est l’adolescence. Les différentes réparties qui animent les états d’âme de ces personnages si réels me sont apparues comme faisant partie d’un dialogue constant avec le lecteur. Il y a une justesse surnaturelle dans la façon d’animer les acteurs de cette histoire. Le lecteur devient hypnotisé par chaque détail comme s’il y avait un secret caché qui ne se révèle qu’à celui qui y prête attention.

Il n’y a pourtant rien d’occulte dans cette histoire, tout est là sous nos yeux. Il existe plutôt un souci de montrer sans avoir à décrire. Une aventure sensorielle qui plonge le lecteur dans le récit et qui donne à son imagination juste assez de place pour avoir un rôle à jouer. L’efficacité chirurgicale des descriptions nous plonge dans un univers parallèle tellement concret que nos souvenirs personnels s’y amalgament sans que nous en prenions totalement conscience.

Il y a aussi cette dose d’humour subtile qui scelle un genre de pacte entre les personnages. Vous savez, ce sentiment de connivence qui prend toute sa force dans les non-dits quand on partage avec assez d’authenticité un vécu qu’on n’a plus toujours besoin de se parler pour se comprendre? Eh bien, l’auteure parvient en 200 pages à bâtir cette connexion avec vous ! Le lecteur devient un personnage de l’histoire.

Au-delà de son style d’écriture, Amélie Dumoulin nous démontre dans ce roman que toute la force de la vie qui s’écoule en chacun de nous prend naissance dans ces petits détails qui composent notre quotidien. Comme nulle autre, elle nous replonge dans cette époque où notre instinct guidait davantage nos vies que notre tête. Elle nous pointe les vérités que l’adulte ne voit plus, obstiné à vouloir gouverner le monde du haut de son savoir subjectif et inquisiteur. Elle nous présente l’amour sous un jour nouveau, dépouillé des conceptions alambiquées de notre mental, simplifié dans le regard de l’enfant qui se développe, qui réfléchit et qui découvre le monde qui l’entoure.

Et moi, je suis là à vouloir pondre un texte qui démontre un point de vue masculin sur une lecture pour ados… Au bout du compte, cette incursion littéraire m’aura démontré que ce point de vue masculin n’avait aucune importance. Nous pouvons jouer un rôle bien plus important que celui qu’on aura imposé à notre genre depuis notre naissance.

Pourquoi vivons-nous?

Peut-être pour apprendre à devenir plus attentifs à toutes ces petites choses qui nous font grandir?

Merci, Amélie Dumoulin, pour ce petit livre qui nous pousse hors de notre forme. Hier, aujourd’hui et demain, grâce à toi, beaucoup d’humains ont une lueur de plus dans les yeux.

 

Auteure : Amélie Dumoulin
Éditions : Québec Amérique
Parution : Août 2015
Pages : 225

Noël à l'hôpital, oh yes! Ce jour-là, on était invités à fêter chez les Aristochats. Maman était très nerveuse, la preuve, elle avait mis une robe et des talons hauts. C'est toujours mauvais signe. Je crois qu'elle avait peur que mon père déconne solide devant sa famille de coincés. D'ailleurs, sur le pas de la porte, avant d'entrer, on a tous reçu nos consignes respectives. Papa a été averti qu'il devait se comporter «normalement» :
- pas de larmes,
- pas de cigarette,
- pas de politique,
- pas de nudité (?).
Et Félixe et moi avons été sommées d'y aller mollo sur le tripotage :
- pas de becs,
- pas de french,
- pas de mains dans les vêtements,
- pas de regards qui en disent long.
Bref, personne était dans son état naturel. Et on sait ce qu'on dit à propos du naturel et de son léger penchant pour le galop...

Extrait p.140

Crédit Photo : Bookivores

Crédit Photo : Bookivores

* Amateurs d'art, si vous êtes transi par la couverture de ce roman, sachez qu'il vous est possible de vous procurer l'oeuvre originale «Sweet Dreams» de Dominique Fortin juste ICI 

Publié dans LittQc, Jeunesse, LGBT

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