Tu aimeras ce que tu as tué

Le grand-père du jeune Faldistoire se prend pour un fantôme, la mère de Sylvie pratique la sorcellerie et lit l’avenir dans les tarots tandis que, sous le vernis de la normalité, le père de Sébastien cache de sombres desseins. Faldistoire, Sylvie et Sébastien fréquentent la même école primaire, puis, au secondaire, le même collège privé. Où Almanach les rejoint pour devenir, un jour, l’amant de Faldistoire.
Non loin de là, dans le cimetière, sous le regard inexpressif des crapauds, de nouveaux trous sont sans arrêt creusés. Car il ne fit pas bon vivre pour les enfants de Chicoutimi : viols, accidents tragiques, meurtres insensés. Heureusement, la plupart d’entre eux reviennent après le trépas. Ils s’apprêtent à prendre leur revanche.
L'avis de Mlle Lambert :
Kevin Lambert nous offre ici un roman purement québécois. Tant par les lieux que par les expressions et le franc parlé utilisés par l’auteur. C’est également un roman qui est cru et vulgaire, surtout lorsqu’on s’arrête au fait que ce sont des enfants de 2e année du primaire qui parlent et pensent comme ça ;)
Les chapitres sont courts et, tranquillement, avec les petits bouts d’histoire qui nous sont racontés, l’histoire se dessine…
On retrouve ici un ton de haine qui perce à travers le récit. C’est un roman qui dénonce la ville natale de l’auteur – Chicoutimi – et son trop grand conformisme. Il y dénonce entre autre le racisme, la violence, l’homophobie et la xénophobie qui sont encrée dans notre civilisation.
Bref, Kevin Lambert a une façon de raconter unique et particulière que j’ai vraiment adoré! Une écriture authentique qui se distingue bien des autres.
Une lecture trash, hors-normes et qui a une sacrée dose de « rentre-dedans ».
** Auteur à découvrir **
xx
Auteur : Kevin Lambert
Éditions : Héliotrope
Parution : Mars 2017
Pages : 210
Kevin revient vers la rue des Tourterelles à bord de son montre assourdissant, roulant à vive allure dans le quartier des Oiseaux : le métal de l’engin grince fort quand la déneigeuse passe sur un trou dans l’asphalte gelé. Il a la vingtaine bien entamée, mais l’air d’avoir seize ans, il fait penser à ces ados de séries télé qui sont joués par des acteurs beaucoup plus vieux auxquels on met des pantalons sous les fesses, une calotte par en arrière, des shoes de skate pour qu’ils aient l’air « sortis de la polyvalente. On devine son chest imberbe sous la camisole qu’il porte dans la cabine chauffée du camion, on se croirait dans un fourneau là-dedans, mais il a quand même gardé sa tuque juste pour clairer sa face de ses longs cheveux blonds. Avant de se mettre à l’ouvrage, il s’allume une toppe, regarde ce gros tas de neige qu’il faut souffler, un iceberg au milieu de la rue, c’est dangereux, ça bloque le chemin quand le monde veut partir travailler ou vient se virer dans le rond-point. Kevin ne sait pas que, dans quelques minutes, la petite Sylvie, enterrée là, sera déchiquetée par la tarière tranchante de sa souffleuse, qui tourne mécaniquement sur elle-même et avale tout. Sylvie est ensevelie de neige et c’est bien maudit : les enfants n’ont pas toujours la sagesse de respecter des consignes pourtant simples. Même si elle sait qu’elle habite au 2008 rue des Tourterelles, que sa main droite est à droite, sa gauche à gauche – qu’elle est gauchère et qu’à l’époque de sa grand-mère on enfermait les gauchers dans des cages pendues au bord de la route et on les laissait se faire manger par d’horribles corbeaux noirs -, qu’il faut refuser les bonbons des étrangers, pas dire « Marie noire » trois fois devant le miroir, qu’il faut écouter Viviane quand elle dit d’ller se coucher, jamais dire la vérité sur internet, même sur les sites de jeux où tu t’es fait une amie, parce que, cette amie, c’est sûrement un vieux monsieur qui veut faire toutes sortes de choses qu’on peut pas nommer à l’école, même si Sylvie sait tout ça, excitée par la bordée de neige, elle a peut-être oublié qu’il faut jamais se faire de tunnel dans les banc de neige.