La chaleur des mammifères

René McKay, cinquante-cinq ans, est prof de littérature à l'université. Fraîchement divorcé de sa femme, Vicky, il a peu de contact avec son fils de vingt ans, Mathieu. Renfrogné, désillusionné, il s'est au long des années isolé du monde. Il ne vit pas, il végète, se contentant de répéter à des étudiants distraits des vérités d'un autre âge, des concepts qui n'allument plus personne.
Un malheureux séjour en Suède pour prononcer une conférence inepte devant une poignée de blasés est la goutte qui fait déborder le vase. Plus rien de tout ça ne vaut la peine. Fini, l'amour, le sexe ; fini, les illusions, les rêves, les espoirs, l'enthousiasme. Cependant, à son retour, une grève étudiante bat son plein. Et tout est à nouveau possible.
Dressant un portrait à l'acide du milieu universitaire, Biz n'épargne ni les profs ni les étudiants, mais il célèbre l'union, la harde, la horde, c'est-à-dire le peuple en mouvement quand il n'agit pas en troupeau.
L'avis de MissDupont :
Oh qu'il fait mal à mon coeur de lectrice lorsque je termine un roman avec une pointe de déception. J'avais tellement été renversée par Naufrage que, par ricochet, j'ai placé beaucoup d'attente sur celui-ci en me disant que j'allais être giflée une seconde fois. Seulement voilà, La chaleur des mammifères ne peut être comparé avec le précédent titre. Il n'est pas mauvais (loin de là!), mais nous ne retrouvons pas ce fond dramatique qui est venu nous marquer au fer rouge dans Naufrage.
Dans ce roman-ci, l'auteur s'est inspiré de l'importante grève étudiante de 2012.
Nous revivons donc d'une certaine manière ce moment historique, mais dans le regard d'un prof d'université cynique et apathique. Ne vous inquiêtez pas, ces caractéristiques le rendent sympathiques 😜
"Sous prétexte qu'ils ont beaucoup lu, les étudiants en littérature prétendent à une insupportable supériorité morale. En vérité, ce sont des hypothéqués intellectuels; avec une mise de fonds valable, certes, mais qui ne sont pas encore propriétaires de leurs idées."
Ce passage m'a tellement rappelé mes études collégiales alors que j'étais étudiante en Art & Lettres, Communication. Ce tableau qu'il dépeint est tellement proche de la réalité. Oh les étudiants en littérature ne sont pas tous comme ça... mais plusieurs pètent plus haut que le trou comme j'aimais le dire. 😵
Sérieusement, nous avons tous suivi de prêt où de loin ce fameux mouvement étudiant du printemps érable et il est intéressant de le revoir d'un angle différent une fois la poussière retombée.
Auteur : Biz
Éditions : Leméac
Parution : Septembre 2017
Pages : 157
La cafétéria était bruyante et animée. Je me suis mis un fil pour le café. Partout, la jeunesse. Belle et bête, courbée sur son téléphone comme Atlas sous le poids du monde. Dans la tribu, le tatoo était la norme. Il y avait eu les motifs tribaux sur les biceps, les aphorismes cucul calligraphiés0 en anglais sur les avant-bras, les étoiles sur les mains, les barbelés autour des chevilles, les papillons au creux des reins, les pattes de couguar entre les seins, les caractères japonais dans le cou et, depuis peu, on voyait se multiplier les capteurs de rêves. Et ce n'était là que la partie émergée de l'iceberg. Dieu sait quels gribouillages ornaient leur intimité. Qu'est-ce que tout cela voulait dire? Qu'en aurait pensé Roland Barthes dans ses Mythologies? Pauvres jeunes: ils voulaient tellement être uniques qu'ils en devenaient identiques. Pareils dans la diversité. Quelle indécente vulgarité que d'afficher son imaginaire à la vue de tous. Quelle vanité que d'élever son corps au rang d'oeuvre d'art. Et que deviendrais l'oeuvre lorsque la toile serait abaissée et plissée? Qu'adviendrait-il de ces vieillards barbouillés de souvenirs décolorés? Le tatoo était le révélateur le plus probant d'une génération narcissique, incapable d'envisager l'avenir et esclave des pulsions du présent.