Journal d’une bipolaire

Publié le par Señor Sanchez

Lorsque Camille rentre de ses vacances au Canada, tout se précipite: son amoureux québécois (resté sur place) exerce sur elle une sorte de chantage affectif et l’arrivée des examens n’est pas de nature à la rassurer… S’ensuit une montée de stress qui va bouleverser à jamais sa vie!

L'avis de Señor Sanchez :

Dimanche matin.
Je reçois un message texte de mon amie me demandant si ça m’intéresse de l’accompagner au centre d’achat. Tant qu’il y a une librairie, je suis de la partie. Nous arrivons au centre commercial, mon amie part de son côté, mon aimant intérieur me dirige là où il le faut, j’entre dans la librairie avec un bout de papier sur lequel est inscrit le titre du livre à acheter et je jubile. Je jubile tellement que ça dérape...

Quinze minutes plus tard, je suis à la caisse avec sept livres et un total de 180$ en vert néon sur l’écran… Mon amie vient me rejoindre, j’essaie maladroitement de cacher mon sac qui déchire sous le poids des volumes, elle me fait remarquer que la semaine dernière encore, j’ai acheté tout autant de livres, je ris, je mens en disant que ceux-là sont rares et que je ne pouvais manquer cette occasion. Mon amie semble fâchée, je l’ai déçue. Je retourne chez moi, j’entre, apitoyé, dans ma chambre, dépose les livres sur mon lit, sors la facture de ma poche et pleure. Je jubile pas mal moins… Je me couche sur mon lit, en larmes, prends le premier livre que je trouve dans le sac et l’observe: Journal d’une bipolaire. «J’ai l’impression que c’est pas un hasard si je l’ai acheté, celui-là.»

Journal d’une bipolaire, c’est l’histoire de Camille, mais c’est aussi le reflet d’une génération étudiante, travaillante, performante, mais jamais assez aux dires des autres. Très rapidement dans notre lecture, nous sommes happés par le caractère «incomplet» de Camille: sa relation amoureuse est intense, mais au futur incertain, elle s’investit dans ses études telle une allumette, vive quasi excessive, elle se brûle rapidement et ne peut se refaire. Loin d’être un récit victimisant, c’est plutôt un éclaircissement, un témoignage assez bien dosé pour nous éviter un trop grand investissement. Étape par étape, Camille décèle des anomalies dans ses comportements et réactions, en vient même presque à poser l’irréparable, mais acceptera finalement l’aide fournie et le support indéfectible des quelques proches qui endosseront leur nouveau rôle auprès d’elle. Camille chemine, non sans heurts, tombe, se relève, se fait transférer de centre en centre, d’hôpital en hôpital, de bien-être en mal-être, puis le diagnostique arrive: bipolarité. Sa vie, tout comme son récit, est essoufflante, mais ainsi soit-il; personne n’a dit que ça allait être facile.

Cette bande dessinée en deux parties entremêlées, présente l’histoire de Camille passée et actuelle. L’histoire passée relate le cheminement ardu de la jeune fille: les débuts de la maladie, l’arrivée du diagnostic et l’adaptation face à cette nouvelle vie. Le tout nous est présenté dans un noir et blanc dichotomique au trait de crayon fin, style Sharpie. L’histoire actuelle, elle, relate le projet de Camille et son père de transformer son histoire passée en bande dessinée afin d’aider celles et ceux qui auraient à passer par les mêmes épreuves. Cette partie de l’histoire est illustrée dans un gris très onctueux, au trait de crayon un peu moins précis, mais tout de même réconfortant. L’effet voulu est clair: le passé en noir et blanc symbolise la bipolarité elle-même, le présent en gris symbolise la meilleure compréhension de la maladie et son acceptation.

Par contre, un point négatif est à souligner: malgré les différences graphiques, l’entremêlement du passé et du présent dans le récit rend sa compréhension difficile. Le lecteur se sent parfois trimbalé d’un lieu à l’autre avec la protagoniste et bombardé d’information sur la maladie, conséquence à mon avis normale dû au petit format du livre (96 pages). Par contre, ceci n’enlève en rien au fait que c’est une lecture fort appréciable au sujet lourd mais révélateur qu’est la bipolarité, mais surtout un témoignage bien senti qui prouve qu’à travers la maladie, l’amitié subsiste.

Illustrateur : Sébastien Samson
Scénariste : Émilie Guillon & Patrice Guillon
Éditions : La boîte à bulles
Parution : Novembre 2010
Pages : 96

Extrait visuel

Extrait visuel

Crédit Photo : Señor Sanchez

Crédit Photo : Señor Sanchez

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