Faire œuvre utile

«Ton livre m’a sauvé la vie. » C’est ainsi qu’un jour, une jeune femme de 17 ans a abordé Anaïs Barbeau-Lavalette, l’auteure de La femme qui fuit. Dans Faire œuvre utile, la journaliste culturelle Émilie Perreault a voulu raconter, en 20 rencontres fracassantes, comment la vie d’une personne peut être complètement transformée par une œuvre d’art. Comment le texte d’une chanson de Marc Hervieux a-t-il permis à une femme sans nouvelles de son mari pris en otage au Soudan de supporter l’insupportable? Comment le spectacle de Louis-Josée Houde a-t-il inspiré une spectatrice quadraplégique à lutter, jusqu’au jour où elle s’est rendue en marchant jusqu’à la scène pour remercier l’humoriste? Comment une pièce de théâtre de Robert Lepage a-t-elle aidé une fille à dire au revoir à son père mort dans une explosion sur l’autoroute 40?
L'avis de Mlle Lambert :
De prime à bord, c’est la beauté de cet œuvre qui m’a accrochée! Esthétiquement en plein mon genre et pourtant totalement à l’opposé de ce que je lis habituellement; des romans, des histoires fictives.
On y retrouve des témoignages forts qui font tellement du bien à lire. Un immense sentiment de puissance et de bien-être se dégage de chacune des lignes de cet œuvre.
«Un "bravo", ça flatte le nombril, mais ça va, il est bien installé, il est là, il ne tombera pas! Merci, ça veut dire « vous avez été utile ». Ouf.
Vous savez, si je n’avais pas été écrivain, j’aurais été médecin. Parce qu’on a en commun le souci de soigner. Le souci de rendre à la vie. Le souci de la santé, pas seulement physique, mais mentale. Le souci d’être utile.»
Des extraits, j’en ai tellement annoté! Un regroupement de deux trois phrases qui font l’effet d’un coup de poing et nous font tellement réfléchir, J’aurais bien voulu tous vous les partager, mais cela prendrait un temps fou et diminuerait grandement le plaisir futur que vous aurez en tournant chacune des 185 pages de ce livre. Car oui, je vous annonce que vous allez le découvrir ;) En tant qu’amoureux de la littérature, vous ne pouvez vous permettre de passer à côté de cet œuvre. En fait, tous les amoureux d’art – que ce soit la littérature, la musique, la peinture, le cinéma, la télévision, l’humour, la danse…- devraient avoir ce livre sur sa table de chevet ou dans sa bibliothèque.
«C’est ça la force réelle d’une œuvre d’art. Que ce soit une chanson, une peinture, une sculpture, une chorégraphie. On peut tous se permettre de l’interpréter selon qui on est, avec notre histoire à nous. Il y a mille personnes, il y a mille histoires.»
Entre chacun des témoignages, je devais prendre un certain temps (parfois quelques secondes ou même quelques minutes) pour absorber ce qui venait de m’être raconté. J’avais besoin d’un peu de temps pour tourner la page et commencer l’histoire suivante. Ça prouve à quel point cet œuvre est gorgé d’émotion. D’y lire conjointement le fait vécu par une personne X versus la perception de chacun des artistes est très émouvant. On ne réalise pas toujours à quel point l’art peut marquer, chambouler, saisir, choquer les gens.
J’ai également pris le temps de m’intéresser à chacune des œuvres présentes entre ces pages. Plusieurs m’étaient connues, mais j’en ai découvert plusieurs qui m’ont marquées également. Je me suis carrément imprégnée de chaque histoire. Chacune m’allait directement au cœur.
Ça nous est tous arrivé de vivre des moments difficiles et, je ne sais pas pour vous, mais moi, souvent, il m’est arrivé de trouver écho dans les paroles d’une chanson, dans certaines phrases d’un livre ou autre. Quelques mots, une image, qui prend soudain tout son sens. Qui en une fraction de seconde, a tracé son chemin jusqu’à notre cœur.
xx
Auteure : Émilie Perreault
Éditions : Cardinal
Parution : Septembre 2017
Pages : 185
Je m’occupe de la chronique culturelle dans une émission de radio d’actualité. Je jouis d’une tribune extraordinaire pour parler d’art à des gens qui autrement ne seraient peut-être pas intéressés par le sujet. Mon segment leur est imposé entre la chronique économique et l’entrevue d’actualité. (Allo, pas le choix de m’entendre!) Chaque fois, je me dis qu’il y a peut-être une mélodie ou une suggestion de pièce de théâtre qui fera son chemin, dans le trafic et la routine d’un matin de semaine.
Je ne suis pas de nature angoissée. Je me répète souvent cette phrase : « On ne sauve pas des vies. » Quand il y a un attentat et que tout le monde passe en mode « émission spéciale », je vais chercher le café pour l’équipe et je la soutiens comme je peux. Parfois, on me demande quand même de faire ma chronique. Parce qu’on se dit qu’à l’autre bout, les gens ont peut-être besoin de souffler entre deux mauvaises nouvelles. L’animateur m’a d’ailleurs baptisée « l’oasis de bonheur ».
Donc, on ne sauve pas des vies. Mais des fois oui.
Mes amis Justine Laberge et David Bussières, d’Alfa Rococo, m’ont raconté qu’un homme a pris le temps de leur écrire pour leur dire qu’il avait déjà eu des pensées suicidaires. Et qu’en s’attardant aux paroles de la chanson Les jours de pluie, il avait changé d’idée.
Rendors-toi
Ce n’est pas encore la fin du monde
Pas encore la dernière seconde
Ce jour de pluie bientôt cessera
Rendors-toi
C’est quand même fou. Un ver d’oreille qu’on a entendu à répétition à la radio. Qui sauve une vie.
De quoi réfléchir à l’importance de l’art au-delà de la simple fonction de divertissement. À sa fonction utile. Ainsi, si on revient à ces journées de breaking news, après un attentat, la vidéo que tout le monde partage sur les réseaux sociaux, c’est celle du pianiste qui reprend une chanson de John Lennon près des lieux du drame.
Parce que l’art ne change pas le monde, mais le répare un peu.
J’ai voulu le montrer 20 fois plutôt qu’une, en racontant les histoires des gens du public dont la vie a été marquée par une œuvre, qu’il s’agisse d’un livre, d’un spectacle, d’une chanson, d’un tableau. Et puisque je me compromets dans le premier chapitre, je vous invite à vous poser la question : qu’elle est l’œuvre qui a été utile dans ma vie?
Merci de lire ce livre. En espérant qu’il puisse vous être utile.